« Un architecte n’invente rien, il transforme la réalité »
« Je sculpte mes volumes jusqu’au bord de l’excès et je reviens à la fonctionnalité comme un garde-fou ».
Question : La question de la lumière est souvent réduite à l’idée de transparence apportée par les matériaux moderne.
« Cette idée est un peu imaginaire parce qu’un bâtiment réalisé entièrement en verre apparaît complètement différemment suivant l’heure de la journée, suivant la manière dont arrive la lumière. Il y a beaucoup de bâtiments apparemment transparents, qui sont au contraire complètement opaques. Cette recherche de la transparence totale est une réduction parce qu’un bâtiment peut avoir des conditions internes et des conditions externes quelque fois opposées, des contradictions comme l’intimité et le besoin d’ouverture. C’est pour cela que je n’ai jamais fait un pan de verre total, je ne trouve aucun intérêt à cela. Un bâtiment est toujours fait d’éléments et de besoins différents qui exigent plus ou moins de lumière. Ce que je vois d’extraordinaire dans le progrès technique, c’est si je peux, quand j’ai besoin de verre formé de quatre épaisseurs, obtenir un dormant presque invisible et une plus grande vigueur dans le contraste entre l’opaque et le transparent, entre la lumière et l’ombre. Je ne crois pas que l’idée de transparence totale soit aujourd’hui importante pour l’évolution de l’architecture. Elle l’a été, quand Mies van der Rohe a fait aux États Unis, la petite maison de verre en continuité avec le paysage. C’était un moment de recherche sûrement très important. »
Dans votre œuvre, il n’y a pas seulement des influences provenant de la culture architecturale, on y trouve également des rapport aux formes naturelles. Qu’apportent aux projets ces apparences morphologiques, les ressemblances à des animaux, à des visages?
L’influence de la nature dans le monde des formes de l’architecture n’est pas quelque chose de récent. Dans les villes italiennes on rencontre toujours des visages, on reconnait là deux yeux, une bouche sur le côté d’un bâtiment, cette référence au monde naturel sous une forme abstraite ou plus directe est une constante dans l’histoire. C’est peut-être un appui face au concept de proportion vis à vis duquel on a toujours une incertitude, même si nous pensons en dominer parfaitement les règles comme celles du nombre d’or. L’appel des formes naturelles a toujours rempli le monde des images, mais cela peut être aussi un élément de discipline. J’ai une certaine difficulté à faire une division bien séparée entre ce qui est abstrait et ce qui est organique. Il m’arrive de voir dans le château d’eau d’Aveiro comme une grande bête dans le paysage, avec une tête et un énorme cou de girafe. Pourtant, je travaille toujours à partir de la géométrie, c’est la discipline des formes abstraites géométriques qui rend possible la construction. Cela ne veut pas dire qu’à l’intérieur de cette géométrie, il n’y ait pas des renseignements qui peuvent venir directement du monde de la nature. Il y a toujours opposition et complémentarité entre ce qui est naturel et ce qui est construit. (1) “Musées” – p 66.
Propos recueillis en Décembre 1991 à Porto par Laurent BEAUDOUIN pour l’Architecture d’Aujourd’hui N° 278.